Poser l'éducation des
sourds en terme de binguisme,
c'était au début des années 80, un acte militant.
En effet, le statut de langue de la
langue des signes était loin de faire l'unanimité, surtout en France
où l'interdiction des langues régionales et minoritaires est restée
très forte depuis la fin du XIX° siècle.
Bilinguisme donc puisqu'il y a 2
langues:
la langue des signes qui est la langue des sourds,
et le français puisqu'ils sont français.
A noter que l'usage du français écrit
est un impératif et ce, à 2 titres:
- c'est l'outil d'accès à la scolarité et à la culture
- la langue des signes n'ayant pas d'écrit, il vient compléter
parfaitement l'équipement linguistique nécessaire pour être
autonome.
C'est en 1985, en France, qu'un texte
rédigé par des spécialistes des Ministères de la Santé et de
l'Education Nationale, reconnaîtra la validité de notre proposition:
"La nécessité d'une communication
visuo-gestuelle s'impose dans toute sa force, car elle seule est
capable de restaurer dans leur authenticité et dans leur
chronologie, les étapes du développement linguistique.
L'usage de la LSF se trouve donc fondé dans un impératif de
priorité. Pour avoir oublié cela, on se focalise sur
la déficience, organique, objective, qui relève de la médecine, de
la prothèse et de la rééducation et on accroit du coup le
handicap, phénomène social, fonction du degré de rejet que
présente la société à l'encontre d'une différence. La LSF est une
expression du pouvoir inventif de l'homme. Le besoin de
communiquer provoque la création de l'outil: ne pouvant âtre
acoustique, il devient visuel. Lutter contre la nature revient à
mutiler l'enfant et à ajouter au malheur innocent."
Rapport Bouillon/Delhom/Fournier/Kettler,
Ministères de l'Education Nationale et des Affaires Sociales,
décembre 1985
Notre philosophie
d'éducation:
L'enfant sourd est d'abord un enfant.
Il grandit sourd dans
un monde entendant.
Son identité se forge dès son plus
jeune âge dans des interactions riches avec des personnes sourdes
et entendantes. Ces relations lui permettrons d'acquérir sa langue
-la langue des signes-, de structurer sa personnalité et de
développer ses compétences.
Se sachant reconnu
comme partenaire d'une communication, comme sujet parlant et
pensant, il développe alors envers le monde une curiosité, une
appétence qui seront les gages de sa réussite scolaire et de son
insertion sociale.
Il peut alors se
construire comme sujet à part entière, comme acteur de son
devenir, comme citoyen.
L'enfant sourd va à l'école de tous
L'école permet la
confrontation des enfants entre eux avec leurs différences. C'est un
terrain d'apprentissage de la vie sociale, des droits et des
devoirs, des stratégies à mettre en oeuvre pour son épanouissement
au sein d'un collectif varié; c'est le lieu de partage des moeurs,
des rythmes culturels, des modes de comportement. C'est, après la
famille, le premier lieu de réalisation de tous les enfants.
Mais c'est aussi un
apprentissage permanent, la construction d'un savoir. C'est aussi
apprendre à apprendre, apprendre que l'on ne sait pas tout, que l'on
peut questionner.
Bien sûr aller à
l'école et apprendre avec sa langue : avoir des maîtres qui
enseignent dans sa langue, des camarades de classe de même langue...
C'est déjà une
identification, une prise de conscience de la donnée communautaire
une perspective d'être membre de cette communauté... et en même
temps un contexte de participation à la vie publique... à la
citoyenneté.
Nous préférons parler
"de confrontation" plutôt que d'intégration: Il n'est pas "intégré"
au sens d'une assimilation visant à nier sa différence et à lui
faire épouser les valeurs exclusives des autres (du plus grand
nombre) : il développe, sourd, ses propres compétences, ses
perspectives, ses aspirations, ses ambitions...
En 1991, la loi reconnaissait, enfin,
notre choix d'éducation pour les jeunes sourds :
"Dans l'éducation
des jeunes sourds, la liberté de choix entre une communication
bilingue -langue des signes et français- et une communication
orale est de droit."
Article 33 de la
Loi n°91.73 du 18 janvier 1991
Le Service
d'Education Bilingue fonctionnait depuis 20 ans !
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